Les Fondements du modèle

Les fondements du modèle de psychothérapie
Intelligence relationnelle®

I - Origine

Le modèle Intelligence Relationnelle® (IR) est né de l’expérience clinique et personnelle de son fondateur, François le Doze. Celui-ci neurologue de formation, a commencé la pratique de la psychothérapie dans le cadre de son activité hospitalière de neurologue.

Dans cette position, il a eu l’occasion d’appliquer la méthode de psychothérapie Internal Family Systems (IFS) (Schwartz 2019) (Schwartz, s. d.) à des patients présentant des troubles médicaux (migraines, sclérose en plaques, troubles neurologiques fonctionnels…). L’IFS s’est montré particulièrement adapté à l’application de la psychothérapie aux personnes souffrant de troubles médicaux. Il a progressivement approfondi sa maîtrise du modèle IFS en devenant formateur à ce modèle et a aussi acquis les connaissances indispensables dans le champ de la psychopathologie et de la neurobiologie du traumatisme psychique. 

Le modèle IFS repose sur deux fondements et un levier thérapeutique : le Self et la multiplicité psychique d’une part, et l’autorégulation d’autre part.

Au bout d’une dizaine d’années, il a identifié des difficultés à appréhender certaines problématiques comme les troubles de l’attachement avec cette méthode. Il s’agit en effet de troubles qui se développent à une période de la vie où la maturité du cerveau ne permet pas à celui-ci de fabriquer une mémoire dite épisodique c’est-à-dire qui renvoie à un contexte spatio-temporel de nature à pouvoir être appréhendée plus tard au travers du paradigme des parties. À ce stade du développement de l’individu, seule la mémoire implicite est mobilisable. Celle-ci s’avère indépendante du contexte spatio-temporel et donc non ou mal évocable au travers du paradigme des parties.

Sa rencontre avec Deborah Dana et Deirdre Fay lui a donné des éléments théoriques pour dépasser cette limite. Ces deux personnes ont en effet développé des méthodologies pour mieux comprendre la question de la corégulation. La corégulation, si l’on s’en tient à la relation thérapeutique, traite des mécanismes mis en jeu dans la relation et la communication interhumaine. L’IFS insiste sur la primauté de la relation intrapersonnelle (entre le Self de l’individu et ses propres parties) comme levier thérapeutique par rapport à la relation intersubjective. Or les données en neuroscience montrent que l’organisation cérébrale répond à une hiérarchie qui repose sur le système nerveux autonome qui se modèle dès les premières expériences infantiles dans la relation à autrui (figure dite d’attachement).

II - Les fondements théoriques

Le modèle Internal Family Systems (IFS) offre une modélisation opérationnelle de la conscience appelée Self. C’est la mise en jeu de la conscience (en particulier corporelle) et non le langage qui constitue le levier thérapeutique dans cette méthode.

La pensée systémique à laquelle l’IFS se réfère applique à la vie psychologique des individus des principes de la théorie des systèmes développée dans les champs de la physiologie et de la biologie. Elle permet d’appréhender le fonctionnement psychique comme la tentative de sous-systèmes (appelés parts) de revenir à l’équilibre interne perturbé par la situation externe potentiellement traumatique. Cette conception systémique est aussi une façon de situer l’individu comme un système au sein d’autres systèmes plus larges (couple, famille, pays, société,) interdépendants les uns des autres et interagissant les uns avec les autres.

La théorie de l’attachement ne sera pas détaillée. Elle est mentionnée ici, car elle constitue un cadre de référence au modèle IR. En effet, le thérapeute IR agit de façon explicite comme une figure d’attachement sécure. À partir de cette posture de référence, il sera possible de mettre à jour et de traiter les troubles de l’attachement qui conditionnent la sécurité relationnelle et la progression de la thérapie.

L’étude des processus non seulement neuropsychologiques, mais surtout neurobiologiques qui sous-tendent la mémoire humaine, permet d’établir que la mémoire traumatique que l’on pensait indélébile ne l’est en fait, pas. Le cerveau à travers ses capacités de neuroplasticité a les moyens de se reconfigurer de façon pérenne en abandonnant les émotions et les croyances qui ne lui sont plus utiles pour les remplacer par des informations qui lui permettent de s’actualiser.

La Théorie Polyvagale (TPV) proposée en 1994 est le fruit des travaux de Stephen Porges (Porges 2011) qui a mené des recherches d’ordre neurophysiologique pour étudier les réponses du système nerveux autonome (SNA), dans les situations de danger. Il a décrit des réponses communes à l’animal et à l’homme, inscrites dans la phylogenèse de la construction de leur SNA. Ces découvertes ont déjà un impact considérable dans la compréhension des mécanismes fins et la prise en charge du traumatisme psychique en général et des troubles de l’attachement tout particulièrement. La TPV offre un cadre à la fois conceptuel et opérationnel très efficient, car elle permet de décoder les empreintes corporelles de ces traumatismes et grâce à la mise en jeu de la neuroplasticité, de favoriser une reconfiguration stable du SNA pour assurer la sécurité relationnelle.

Le modèle IR reconnaît, dans les travaux de Bessel van der Kolk synthétisés dans son livre Le corps n’oublie rien (2018), les références théoriques neurobiologiques sur lesquelles il s’appuie. Parmi celles-ci figure la notion connue anciennement et reprise par lui, de l’importance de considérer sur le plan thérapeutique le fait que l’organisation du système nerveux (SN) répond à une hiérarchisation. De nombreux auteurs y ont fait référence comme Mac Lean (MacLean 1972), Panksepp et Perry (Perry, s. d.). Cette hiérarchisation trouve son origine dans la phylogenèse du SN qui amène à considérer que le SN des primates humains s’est constitué par strates successives. La TPV rend bien compte de cela, qui considère le SNA constitué successivement au cours de l’évolution du composant parasympathique dorsal (époque reptilienne), du composant sympathique (poissons) et enfin du composant parasympathique ventral (mammifères). 

Il est donc admis qu’au sein du SNA et au sein du SN de façon plus générale (cerveau tri unique de Mac Lean) (MacLean 1972), l’influence des structures cérébrales les unes sur les autres soit conditionnée par leur date d’apparition au cours de l’évolution. Plus elles sont anciennes (cerveau archaïque, SNA), plus elles fonctionnent de façon automatique (vie végétative, sécurité relationnelle). Plus elles sont récentes (hémisphères cérébraux), plus elles fonctionnent de façon consciente : langage, abstraction, créativité, apprentissage… Il est admis que les structures les plus anciennes phylogénétiquement (se situant anatomiquement dans les parties les plus basses du SN) constituent en quelque sorte un socle sur lequel s’appuient les structures les plus récentes. Les conditionnements de la partie basse du SN sont plus solides que les apprentissages effectués par la partie haute, la plus récemment développée du SN. La circulation des informations dans ce réseau de structures interconnectées connaît deux directions :

  • top-down (du haut vers le bas)
  • bottom-up (du bas vers le haut).

En début de vie les structures matures sont les plus basses : la voie bottom-up est la plus sollicitée. Au cours de la vie à la faveur de la maturation des structures les plus hautes, celles-ci vont prendre de plus en plus d’importance dans le SN et la voie top-down va se développer. À l’âge adulte ces structures sont interconnectées, mais leur influence réciproque n’est pas symétrique, car la voie bottom up domine sur l’autre, puisque c’est sur elle que reposent les processus de survie (physique et psychique). 

Le traumatisme psychique est reconnu comme pouvant affecter tout le SN. Concrètement, cela implique de prendre en compte dans le champ de la psychothérapie que les stigmates neurobiologiques du trauma sur les structures les plus basses sont plus déterminants sur le cours de la thérapie, que celles laissées sur la partie haute. La psychothérapie neurobiologique (Cf. infra) va prendre en compte cette donnée et chercher à traiter en priorité les dérégulations du SNA.

Le SN est doté de façon innée d’un programme pour réagir au danger par l’attaque ou la fuite (comme toutes les espèces animales vertébrées). Le SN a vocation à revenir au fonctionnement social régulé une fois le danger écarté. L’être humain à la différence des autres espèces animales (dont le SN peut revenir à l’état régulé seul) a besoin, surtout chez l’enfant, d’une régulation externe pour effectuer ce retour à l’état de base. 

Cette régulation qui implique une interaction avec un autre humain dont le SN est régulé, s’appelle corégulation. C’est donc à travers la corégulation que le SN dérégulé d’un individu exposé à un danger revient à la régulation. Si le danger persiste ou si l’individu ne trouve pas de corégulation, la dérégulation s’installe dans le temps au prix d’adaptations qui impliquent des régions du cerveau dévolues aux émotions et aux interactions sociales : développement de schémas automatiques qui conditionnent le comportement, basés sur des systèmes de croyances, des émotions refoulées (non métabolisées). Il s’agit fondamentalement d’un mécanisme adaptatif qui repose sur la dissociation.

Celle-ci correspond à un mécanisme fondamental d’adaptation sur le plan neurobiologique qui permet d’expliquer le développement de sous-compartiments de la personnalité indépendants (à des degrés variables) les uns des autres. Ces sous-compartiments s’organisent pour maintenir un équilibre interne et ainsi tenter de remplacer l’équilibre perdu (celui qui existait avant la survenue du danger) et qui n’a pas pu être restauré. Ces nouveaux équilibres internes (mais qui restent des déséquilibres fondamentalement) se manifestent le plus souvent sous la forme d’états psychiques éprouvés comme des polarisations ou antagonismes.

Il n’y a qu’une alternative à la dissociation, c’est l’association. Cette dernière peut être considérée comme l’une des principales fonctions dévolues au SN : intégrer de façon cohérente et signifiante les différentes composantes des expériences vécues par un individu. Ce travail implique le SN dans son ensemble.

La corégulation parce qu’elle met en jeu prioritairement les structures les plus anciennes du SN, dévolues aux mécanismes de survie constitue un facteur clef dans la mobilisation des possibilités du SN de procéder à ce processus d’association.

Dans la perspective du modèle IR, c’est le mécanisme de dissociation péritraumatique qui rend compte du développement des parties telles que décrites dans IFS, et de leur organisation dans des schémas d’interactions rigides. Lorsqu’il est profond et mis en jeu dès la période d’attachement, il rend compte des personnalités dissociatives selon la théorie de la dissociation structurelle d’Ono Van der Hart (Nijenhuis et van der Hart 2011). De ce point de vue, la vision du modèle IR se différencie de celle du modèle IFS, en ceci que le mécanisme psychopathologique fondamental est constitué par la dissociation péritraumatique et non comme se le représente la vision IFS, par le détournement du fonctionnement normal de parties dont l’individu serait doté à la naissance. Le modèle IR comme le modèle IFS, reconnaît cependant le fonctionnement modulaire du psychisme (multiplicité du psychisme).

La dissociation apparaît comme plus fondamentale que la mémoire traumatique (qui procède elle aussi de la dissociation par la fragmentation des éléments du souvenir). Cet élément est primordial dans la prise en charge des troubles de l’attachement qui ne donnent pas naissance à des souvenirs épisodiques, mais s’inscrivent d’emblée dans le cerveau sous la forme de mémoires dissociatives.

III - Les caractéristiques fondamentales du modèle IR :

Les critères de définition de la psychothérapie neurobiologique (PNB) sont :

– les méthodes employées répondent à une représentation du psychisme et de ses traumatismes telles que les proposent les avancées en neurosciences;

– les méthodes employées visent au travers de la mise en jeu de la plasticité neuronale, la reprogrammation du SN, sa réorganisation à partir des données du présent.

 

Il s’agit d’une nouvelle rubrique dans le champ de la psychothérapie, que le fondateur du modèle IR conceptualise.

Le théâtre d’action de la PNB est le corps : le corps blessé, conscient de lui-même, relationnel et capable de guérir. Son objectif : tirer parti de la blessure psychique pour permettre à l’individu la mise en cohérence entre son corps et son esprit grâce à un système nerveux qui retrouve la capacité de se réguler. Il s’agit d’une approche transformative où l’individu est considéré dans sa dimension corporelle donc relationnelle et sociale.

L’objectif de la PNB est de soigner un organe, le cerveau, pour traiter les difficultés psychiques que l’individu rencontre. 

L’objectif de la méthode IR peut s’envisager à la fois sur le plan clinique (amélioration des symptômes) et neurobiologique. L’axe prioritaire de l’intervention IR au niveau neurobiologique consiste à traiter la dissociation. Celle-ci peut se manifester sur le plan structurel (Nijenhuis et van der Hart 2011) ou  sous la forme de parties au sens IFS. C’est la neuroplasticité qui permet à ce travail d’association de s’établir.  Il ne s’agit pas d’un travail symbolique, ou qui viserait à supprimer des mémoires épisodiques traumatiques. Les outils développés au tout premier plan desquels figure la corégulation, visent à permettre au SN de retrouver les conditions dans lesquelles il peut associer des informations stockées en lui, mais tenues (du fait de la nature traumatique des expériences de l’individu) à distance les unes des autres.

Le thérapeute n’aborde pas le patient avec un a priori sur le niveau auquel se trouve la dissociation. Il apprend à détecter les signes cliniques qui vont le lui indiquer et à appliquer secondairement les outils adaptés.

Si la dissociation lui apparaît comme structurelle, il met en jeu la corégulation sous la forme de l’engagement thérapeutique (Cf infra.) :

  • soit physique avec le recalibrage du SNA inspiré du travail de Deborah Dana (Dana 2018)
  • soit cognitive/émotionnelle avec la métacognition en inspiration du travail de Deirdre Fay.

Ces interventions visent à restaurer la sécurité relationnelle et donc la sécurité interne au travers de la correction des troubles de l’attachement.

La corégulation repose prioritairement sur la mise en jeu de la régulation bottom-up.

Si la dissociation apparaît comme non structurelle (c’est-à-dire se manifestant sous la forme de parties dont le patient est conscient) le thérapeute met en jeu l’autorégulation. Celle-ci repose surtout sur la voie de régulation top-down. Pour simplifier, les troubles qui sont traités ici se situent dans le champ du syndrome de stress post-traumatique. Les méthodes utilisées dans ce cadre sont largement inspirées du modèle IFS.

Avec cette méthodologie, il apparaît que le plus souvent le SN des patients nécessite beaucoup de corégulation avant de pouvoir accéder à l’autorégulation. Ce constat est cohérent avec la hiérarchisation bottum-up du SN.

La métacognition (MC) consiste en la capacité d’être conscient des opérations mentales et des états mentaux pour soi et pour l’autre, et d’appliquer cette conscience à des opérations mentales variées (Brown et Elliot 2016, p 293). Pour Brown et col., la capacité de métacognition est d’autant plus développée que l’attachement est sécure.

La pratique de l’IR repose en grande partie sur l’utilisation de la MC selon une méthodologie propre à cette méthode. La MC pratiquée entre le thérapeute et le patient s’avère être un outil très efficace dans les situations où la corégulation s’avère adaptée parce que le trouble à traiter relève d’une difficulté d’attachement, mais où le système de défense du patient manifeste une opposition à cette intervention. Il s’agit de situations caractéristiques du trouble de l’attachement, qui apparaît comme une impasse puisque le remède approprié est rejeté au premier abord, par le système psychique du patient ainsi que par son SN.

Ces situations fréquentes témoignent en fait non pas du refus de la corégulation en tant que telle, mais d’un refus d’une corégulation sur un mode direct, car elle réactive le traumatisme qui en est la cause. Le reflet par le thérapeute que permet la métacognition, constitue une modalité de corégulation indirecte qui permet de traiter ces défenses.

Il s’agit d’une méthodologie originale qui est développée dans ce modèle. Elle permet de traiter directement la dissociation en utilisant la corégulation comme médiateur de l’association neurobiologique entre deux informations qui ont été du fait du traumatisme, maintenues à distance dans le psychisme et le SN.

Il ne s’agit pas d’un outil à soi seul, mais de ce à quoi aboutit la mise en œuvre de la corégulation dans le modèle IR. En effet la recalibration du SNA et la métacognition utilisées en association dans le cadre de la corégulation, amènent le thérapeute à s’engager physiquement et/ou cognitivement (voire émotionnellement) vis-à-vis de son patient. La méthodologie développée ici est très rigoureuse, car elle doit éviter impérativement les projections contre-transférentielles. À cette condition, elle permet de dépasser des difficultés importantes au cours de la thérapie, liées à des dérégulations structurelles du SN. La position de neutralité fréquemment prônée en psychothérapie s’avère contre-productive dans ces cas, car elle est perçue par le SNA du patient comme analogue à l’engagement déficient de sa propre figure d’attachement.

 

IV – Conclusion

La méthode IR s’enracine dans les neurosciences de l’attachement et du trauma et se situe dans la continuité du modèle IFS. Elle ne consiste cependant pas en une simple combinaison de techniques.  Elle relève d’une vision du psycho traumatisme résolument ancrée dans la neurobiologie. Elle met en jeu une méthodologie originale du fait de sa flexibilité qui vise à s’ajuster à la configuration du SN du patient à chaque moment de la séance et au cours de la thérapie. Elle propose de plus des outils originaux (métacognition et association relationnelle) qui permettent au thérapeute de traiter des situations particulièrement difficiles et qui répondent au besoin du SN de quitter les modalités de survie générées pas les expériences passées et de se réguler avec les informations du présent.

Cette méthode est récente puisqu’elle a vu le jour fin 2017. Elle fait l’objet en France et au Canada francophone d’un grand intérêt de la part des praticiens.

  • BROWN, Daniel P., et David S. ELLIOTT. 2016. Attachment Disturbances in Adults. W. W. Norton & Company.
  • MacLean, Paul D. 1972. « CEREBRAL EVOLUTION AND EMOTIONAL PROCESSES: NEW FINDINGS ON THE STRIATAL COMPLEX ». Annals of the New York Academy of Sciences 193 (1 Patterns of I): 137‑49. https://doi.org/10.1111/j.1749-6632.1972.tb27830.x.
  • Nijenhuis, Ellert R. S., et Onno van der Hart. 2011. « Dissociation in Trauma: A New Definition and Comparison with Previous Formulations ». Journal of Trauma & Dissociation 12 (4): 416‑45.
  • Perry, Bruce D. s. d. « The Neurosequential Model », 18.
  • Porges, Stephen W. 2011. The polyvagal theory: neurophysiological foundations of emotions, attachment, communication, and self-regulation (Norton Series on Interpersonal Neurobiology). WW Norton & Company.
  • SCHWARTZ, Richard C, éd. 1995. Internal Family Systems Therapy. New York: The Guilford Press.
Aller au contenu principal